IRIS VAN DONGEN, TERENCE KOH, SUE DE BEER : LES NÉO-SYMBOLISTES DÉCANDANSENT - PART 2/2

Alors, Sue de Beer, Terence Koh, Iris Van Dongen : néo-symbolistes ? Tentative de décryptage….

Terence Koh



« Que tes mains frôlent mes seins et mon cœur, qui est le tien, mon amour de toujours. Patience »
*.

Le symbolisme avait placé la Femme, mythifiée, dangereuse, voluptueuse, au centre d’un nouvel univers fantasmé. A la fois charnelle et intouchable, réelle et imaginée. Cette Salomé vénéneuse, c’est Iris Van Dongen qui la dépeint le mieux. Travaillant au crayon, pastel, fusain et aquarelle un symbolisme de surface, la jeune néerlandaise affiche une attirance évidente pour la femme trouble. Supportrices (Hooligan IV), rockeuses (Rain of stars and comets) ou évanescentes (Caligo), le traitement en obscurité maîtrisée donne à leurs postures des airs de défi. La féminité de Sue de Beer transparaît plutôt dans sa prédisposition à évoquer la transition charnière de l’adolescence. Passage de la métamorphose, elle choisit de le traiter en vidéo par un symbolisme évocateur, dans lequel les jeunes filles échappent à notre catégorisation en glissant vers les dangers de l’inconnu, prêtresses d’un domaine qui nous est interdit (The Dark Hearts). Enfin, le « cas » Terence Koh où la féminité s’échappe plutôt dans une version exacerbée de l’homosexualité, une extrapolation de la figure de l’Homme qui renvoie inévitablement à la figure diabolisée de la Femme inatteignable. La sur-représentation de la dimension sexuelle dans l’œuvre de Koh est un signe de ce que l’on pourrait qualifier de fascination auto-érotomane. Une vision de l’autre de toute façon sensuellement altérée.

« La décadanse, sous mes doigts t'emmènera vers de lointains au-delà »*.

Découvrir le symbole c’est accéder à une fascinante brèche dans le réel, c’est se tourner vers un ailleurs, qu’il soit abstrait (Léon Spilliaert), naturaliste (John Everett Millais), inquiétant (Odilon Redon) ou légendaire (Gustave Moreau). Peu importe la destination, pourvu qu’on ait l’ivresse… Les trois artistes ont également en commun cette volonté de créer une échappatoire artistique à la réalité immédiate. Les stratégies diffèrent pourtant. Les environnements de Terence Koh, « prince d’un royaume imaginaire » (B. Disraeli), entraînent ouvertement une perte des repères et des références (Untitled (vitrine 5–secret secrets), My path to heaven Are you blind Bastard) alors que les installations qui accompagnent les projections de Sue de Beer ancrent les projections fortement symbolistes dans une réalité vécue (Black Sun). Un dédoublement qui se retrouve sur un plan plus conceptuel entre les rêveries des images et les histoires tirées de meurtres adolescents (Hans & Grete). Van Dongen, quant à elle, minimise les décors derrière ses personnages à des simples lueurs (Night of fame) ou à une nature inquiétante (Into the woods), jusque dans sa fadeur (Pink roses), afin de laisser toute liberté à l’imagination du spectateur.

« Dieu, pardonnez nos offenses »*.

La religiosité était mourante en cette fin de XIXe siècle avant que Nietzsche n’organise ses funérailles en 1882. Etonnamment c’est presque à une résurrection du sentiment religieux à laquelle on assiste ces dernières années. L’exposition Traces du Sacré au Centre Pompidou a parfaitement mis en Cène son retour dans l’art. L’ésotérisme prôné par le mouvement originel revient aujourd’hui sous une forme légèrement modifiée dans son positionnement. Irréligiosité (the Quickening de De Beer), mysticisme (God de Koh), démarche prométhéenne (Night has Fallen de Van Dongen), les trois artistes semblent pris entre un par-delà des valeurs religieuses et une attirance forte pour une certaine forme de divinisation. L’art étant par nature transcendant, ils se posent chacun dans une attitude d’opposition et de rapprochement envers le divin.

Sue de Beer

Iris Van Dongen, Terence Koh, Sue de Beer endossent aisément le costume de Flavius Romulus Augustus. Derniers empereurs d’un empire décadent, ils mettent tout à la fois en garde et profitent de leur statut et de leur posture distanciée. Une distance d’autant plus intéressante qu’elle est pleinement consciente. Ils créent ainsi un nouveau symbolisme, décadent, qui n’a pas peur de jouer une Chute originelle inversée, prise comme remontée vers un « paradis parfumé » mais aussi chute diabolique dans l’extase coupable. Au final, si le symbolisme apparaît comme une version démesurée du romantisme qu’il prolonge, ces néo-symbolistes ne sont-ils pas eux aussi des romantiques déchus ? L’amour torturé comme paroxysme de la souffrance et fidèle compagnon de l’inspiration. Le miroir de la solitude qui traverse l’œuvre de chacun des trois artistes semble alors interroger tant leur âme triste que nos existences inquiètes : « La décadanse m’a perdue. Ah, tu me tues ! Mon amour, dis, m’aimes-tu ? »*….

* Paroles extraites de La décadanse, chanson écrite et composée par Serge Gainsbourg, 1971.


Iris Van Dongen, Terence Koh, Sue de Beer: the neo-symbolists decadance. (Part 2/2).

So, Sue de Beer, Terence Koh, Iris van Dongen: neo-symbolists?

Deciphering attempt….

“That your hands brush against my breasts and my heart, that is yours, my forever love. Patience”*.

The Symbolism put the Woman, mythical, dangerous, voluptuous, in the center of a new fantasized universe. Carnal and untouchable, real and imagined, this poisonous Salome is perfectly described by Iris Van Dongen. The young Dutch works with pencil, pastel, charcoal and watercolors on a surface symbolism and claims a strong attraction to confused woman. Supporters (Hooligan IV), rockers (Rain of stars and comets) or evanescent (Caligo): treated on a mastered darkness, their postures seem to defy us. Sue de Beer’s femininity is shown trough her disposition to evocate the pivotal role of the adolescence. This latter, a metamorphosis transition period, is depicted through videos by an evocative symbolism. Young girls escape to categorization by slipping towards dangers of the unknown, priestesses of a territory forbidden to us (The dark Hearts). Lastly, the “specimen” Terence Koh, whom femininity escapes in a sharpened version of homosexuality, an extrapolation of the Male figure that inevitably refers to the untouchable and diabolized Female figure. The over-representation of the sexual dimension in Koh’s work is a sign of that we could call a self-erotomaniac fascination. A vision of the other obviously sensually altered.

“The decadance, under my fingers will bring you towards far way afterlife”*.

Discovering the symbol allows you to access a fascinating gap in the reality, to turn towards an elsewhere, abstract (Léon Spilliaert), naturalist (John Everett Millais), frightening (Odilon Redon) or legendary (Gustave Moreau). No matter the destination, as long as you have euphoria… The three artists share this desire to create an artistic way out of immediate reality. But strategies are different. Terence Koh’s environments, “prince of an imaginary kingdom” (B. Disraeli), blatantly lead to a loose of marks and references (Untitled (vitrine 5-secret secrets), My path to heaven Are you blind Bastard). Sue de Beer accompanies her screenings with installations, fixing video’s symbolism into real-life (Black Sun). A split similar to the conceptual gap between the dreaming of the images and the stories taken from teenager massacres (Hans & Grete). Van Dongen minimizes background settings to simple gleams (Night of the fame), worrying nature (Into the woods), until its blandness (Pink roses) and let spectator’s imagination free to wander.

“God, forgive our insults”*.

The religiosity was declining during the end of the 19th century, just before Nietzsche organized its funeral in 1882. Surprisingly, we assist to a resurrection those last years. The exhibition Traces du Sacré at the Pompidou Center perfectly invites it to a Last Supper. The original esotericism is coming back today on a modified form concerning its positioning. Skepticism (The Quickening by Sue de Beer), mysticism (God by Terence Koh), Promethean reasoning (Night has fallen by Van Dongen), the three artists seem to be trapped between an afterlife of religious values and a strong attraction for a kind of divinization. Art is naturally transcendent: they adopt an ambivalent posture, from opposition to attraction for the Heavenly figure.

Iris Van Dongen, Terence Koh, Sue de Beer take on easily the costume of Flavius Romulus Augustus. Last emperors of a decadent empire, they warm us but benefit from their status and distanced posture too. The detachment is interesting because it is totally assumed. They create a new symbolism, decadent, that is not afraid to play a reversed original Fall, considered as a climb up to a “perfumed paradise” and as a diabolic fall into guilty ecstasy. Finally, if symbolism is an excessive version of an extended romanticism, are those neo-symbolists fallen romanticists? Tortured love can be seen as a paroxysmal suffering and a faithful companion of inspiration. The mirror of loneliness passes through the work of the three artists and seems to question their sad souls and our anxious lives: “The decadance looses me. Oh, you’re killing me! My love, do you love me?”*….

* Lyrics taken from La décadanse, a song written and composed by Serge Gainsbourg, 1971.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire