Répétition : réitération, redite, retour de la même idée, action de faire ce que l’on a déjà fait.
La répétition existe même officiellement dans les Beaux-Arts en tant que reproduction d’une oeuvre originale par l’auteur lui-même ou sous sa direction. La répétition n’est pas la copie, l’hommage, la citation, critique ou non. La répétition est le geste de l’artiste de refaire, re-produire un processus qu’il a déjà mis en place. Plus poussée que le simple exercice de style ou la touche reconnaissable d’un plasticien, la répétition dénote une volonté farouche d’imposer un rythme à son oeuvre, de voir sa création sur la durée. Répéter, c’est savoir intégrer la notion de temps maîtrisé dans ses pièces.
Répétition : réitération, redite, retour de la même idée, action de faire ce que l’on a déjà fait.
Cette notion de temporalité n’est pas sans faire penser à son acception dans le champ musical. La répétition bien évidemment est le préalable indispensable à toute amélioration du morceau, voire à toute composition première. Mais la répétition est, comme en art, différente de la reprise ou du remix. Elle est plus proche de la boucle, le mouvement perpétuel et hypnotique du retour souvent a-mélodique. Typique de l’électro, cette scansion répétée se retrouve dans la musique industrielle (Throbbing Gristle) ou drone (Sunn O))), Earth), jusqu’à, pour cette dernière, l’effacement quasi total des repères. La musique sérielle a intellectualisé, presque malgré elle, cette réflexion sur la mise en place de grilles similaires avec en point d’orgue Stockhausen et Boulez. La répétition devient alors un motif, un dessin, un papier peint (voir pour cela Quatorze exemples authentiques du triomphe de la musique décorative de Cinema Strange), ce qui nous ramène inévitablement à son traitement artistique.
Répétition : réitération, redite, retour de la même idée, action de faire ce que l’on a déjà fait.
Comme on l’a vu, la répétition n’est pas une question de style. Djamel Tatah (jusqu’au 30 décembre chez Kamel Mennour) ne se répète pas, ses corps solitaires sur fonds unis forment une famille, une société d’âmes perdues mais inextricablement liés. De la même manière, il est parfois délicat de séparer la répétition de la série. Les Furniture Sculptures de John Armleder ou plus précisément sa série de Zack Wylde (tableau abstrait + guitare juxtaposée) sont une réflexion sur la confrontation sur le même mode d’éléments similaires. La série est un jeu de combinaisons possibles. Le cap est franchi avec les 11 Saint Sébastien soigné par Irène de Georges de la Tour. Copies du maître ou de son atelier, appât du gain, faussaires anonymes ? Difficile de s’y retrouver. Cependant, cette idée de répétition d’une même oeuvre a bien été assimilée par un artiste comme Yves Klein. On connait l’anecdote de toiles bleues de tailles similaires, peintes au rouleau, accrochées côtes à côtes et vendues à des prix différents.... L’ironie féroce de Klein ne doit pas masquer son génie conceptuel. Poussant à l’extrême, à un point de non retour justement, l’idée de répétition, il a transcendé jusqu’au geste de l’artiste, il a sacralisé l’idée... après Duchamp. Et comme Duchamp ne va pas sans Warhol, il est temps de parler des sérigraphies du Man Machine (pour les amoureux monotones de Kraftwerk). Beaucoup de Marilyn, de Mao, de dollars... dont les infimes variations poussent à rechercher les détails et à devenir attentifs aux changements. Le traitement (faussement) mécanisé de l’oeuvre induit une vision simplificatrice de la répétition.
Répétition : réitération, redite, retour de la même idée, action de faire ce que l’on a déjà fait.
La répétition est définitivement pertinente quand elle devient palingénésique, un « éternel retour » du même, mais volontaire. Pas comme Bill Murray piégé à revivre indéfiniment le jour de la marmotte dans le film Un jour sans fin d’Harold Ramis. Non, c’est l’enchaînement ad lib. de meurtres inexplicables et froids du Elephant d’Alan Clark. C’est, plus encore, la succession de plans identiques du Elephant de Gus Van Sant. Seulement dans ce dernier, la répétition se fait à l’exception près que l’angle de caméra n’est jamais le même. Et c’est là toute la différence. Buren (en ce moment au Musée Picasso avec la coupure) ne fait jamais la même chose. L’adaptation au contexte modifie définitivement toute oeuvre qui semblerait se répéter. Les bandes (pour ne parler que d’elles, ce qui est foncièrement réducteur) ne sont jamais les mêmes (enfin si, elles font toutes 8,7 cm de large, colorées et alternées avec une bande blanche...). Buren, comme ses petits camarades Mosset, Parmentier et Toroni, ont eu la fascinante idée de travailler sur le lieu, sur l’adaptation, sur le regard et la mémoire. Un autre exemple est Yayoi Kusama (vue récemment à la Grande Halle de la Villette) et son pois obsessionnel : répétition du motif sur variation du support. Jim Lambie et ses Zobop aussi est une magnifique démonstration que des bandes de scotchs colorés posées au sol ne sont jamais tout à fait les mêmes, jamais tout à fait différentes.
Répétition : réitération, redite, retour de la même idée, action de faire ce que l’on a déjà fait.
Il ne manque plus que Damien Hirst pour que le tableau soit complet. L’anglais qui répète et revend ses mêmes pièces dans un étrange retour en arrière nous rappelle combien la notion de cycles est importante en art, comme dans la vie (lui qui travaille beaucoup sur la mort... se ressuscite-t-il ?). Disque rayé ou scratch tenu par la main même de l’artiste, la répétition est un phénomène ambigu, difficile à appréhender mais qui peut vite tourner à l’obsession psychanalytique de la répétition, menant à la dépendance psychique.
Répétition : réitération, redite, retour de la même idée, action de faire ce que l’on a déjà fait.
Merci donc de ne pas relire ce texte.
Déjà-vu.
Repetition officially exists on Fine Arts as a reproduction of an original work by the author himself or under his directive. Repetition is not copy, homage, quotation, critical or not. Repetition is artist’s gesture that re-does, re-produces a process already set up. More precise than the simple style exercise or the recognizable touch of an artist, repetition denotes an iron will to impose a rhythm to one’s work, to analyze one’s creation on long term. To repeat is to integrate the notion of mastered time on one’s pieces.
This notion of temporality reminds its sense on the musical field. Repetition is an important prerequisite to improve a song or to compose it. But repetition, like in art, is different from the cover or the remix. It’s closer to the loop, the perpetual and hypnotic movement of an often not-melodic come back. Typical of the electro music, this repeated scansion can be found in industrial music (Throbbing Gristle) or drone (Sunn O))), Earth), until, for this latter, the almost complete disappearance of the markers. The serial music intellectualized, almost against its will, the reflection about the implementation of similar models with, as fermatas, Stockhausen and Boulez. Repetition becomes a pattern, a drawing, a wallpaper (see and listen Quatorze exemples authentiques de triomphe de la musique decorative by Cinema Strange) and leads us back to art.
We just saw that repetition is not a matter of style. Djamel Tatah (until December 30 at Kamel Mennour Gallery, Paris) does not repeat himself. His solitary bodies painted on monochrome backgrounds are a family, a lost souls society inextricably linked. It’s sometimes hard to distinguish repetition from series. The Furniture Sculptures by John Armleder, and more precisely his Zack Wylde series (abstract painting + juxtaposed guitar) are a reflection on the confrontation of similar elements on the same mode. The series are a game on possible combinations. The limit is passed with the 11 Saint Sebastian tended by Irene by Georges de la Tour. Copies of the Master, of his workshop, lure of money, anonymous forgers? Hard to know the truth. But this idea of the repetition of the same work influenced another artist like Yves Klein. The anecdote is well known: Klein painted same-sized canvases in blue with a paint roller, hanged up side by side and sold with different prices… The fierce irony of Klein should not mask his conceptual genius. Pushing to an extreme and no coming back point the idea of repetition, he transcended even the gesture of the artist and made sacred the idea… after Duchamp. Now we know that Duchamp always comes with Warhol, it’s time to speak about the silkscreen of the Man Machine (for monotonous lovers of Kraftwerk). A lot of Marilyn, Mao, Dollars…. Few variations that force you to look after details and to become attentive to changes. The (falsely) mechanized treatment of the work induces a simplified vision of repetition.
Repetition is definitively relevant when it becomes a palingenesis, an “eternal recurrence” of the same, but on a volunteer way. Not like Bill Murray stock into the Groundhog Day by Harold Ramis. No, it’s the transition ad lib. of inexplicable and cold murders on Alan Clark’s Elephant. It’s more the sequence of identical shots on Gus Van Sant’s Elephant. On this latter, repetition is not exactly the same: the camera angle is always different. It makes a big distinctness. Buren (La Coupure is exhibited now at Picasso Museum, Paris) never does the same thing. The adaptation to the context modifies deeply and definitively every work that seems to repeat itself. The stripes (talking only of these is absolutely reductive) are never the same (well, yes they are, 8.7 cm wide, colored and alternated with a white stripe….). Buren, as his colleagues Mosset, Parmentier and Toroni, had the fascinating idea to work on the place, on the adaptation, on the look and on memory. Yayoi Kusama is another example (recently exhibited at the Grande Halle de la Villette, Paris) with her obsessive dot: repetition of the pattern on a variation of the support. Jim Lambie and his Zobop is a magnificent demonstration too that stripes of colored scotch-tapes on the floor are never exactly the same, never exactly different.
As usual, Damien Hirst is the one missing to conclude. The English artist repeats himself and sells again the same pieces on a strange come back. He reminds us how important is the notion of cycle in art, as in life (working a lot on death, does he resuscitate himself?). Scratched record or scratch held by the hand of the artist, repetition is an ambiguous phenomenon, hard to apprehend but that can quickly become a psychoanalytic obsession of the repetition, leading to the psychic dependence.
Thank you for not reading this text again.
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